"Chaque chose est conçue comme un coffret replié sur lui-même", se désole Bouchain. "Par exemple, à l’opéra, vous passez d’abord le hall, puis l’escalier, puis le foyer, enfin la loge, mais le rideau est fermé. Une fois, ouvert, la magie joue. Mais dès que le rideau se referme et que vous repassez le foyer, l’escalier, le hall, une fois dans la rue, il est possible que vous ayez tout oublié, que vous ne remettiez pas tous les sentiments éveillés par le spectacle dans votre propre vie courante. Toute cette architecture cloisonne, empêche les correspondances entre la vie des spectateurs et le spectacle."
Au cirque, les contraintes sont très différentes de celles fixées en général par la société du spectacle. Tout permet la porosité entre l’extérieur et l’intérieur, le spectateur et le spectacle, l’humain et l’animal. Pour ajouter la moindre dimension magique à la création ou à l’architecture, on peut y faire l’économie du chauffage, de l’éclairage, ou de l’acoustique.
S’il est acquis que la température dans un cirque relève d’un procédé de chauffage par soufflerie et que le public garde bien souvent son manteau, cela l’ est moins dans un théâtre en dur où notre société impose une température stable, maintenue artificiellement par climatisation ou chauffage, dans l’indifférence des saisons.
Mais, au cirque, la présence de l’animal change tout. "On ne peut pas chauffer une salle où il y a un cheval en exercice ! Pour que le cheval puisse jouer devant vous, il faut que le public soit dans la même situation que lui", souligne Patrick Bouchain qui met son propre travail à l’épreuve de l’animal. "L’animal est un tiers muet qui oblige l’architecte à respecter ses conditions physiques. Si, par tradition, on sait que les hommes ont testé la piste de 13 mètres, il ne s’agit pas de déroger à cette règle pour des raisons conceptuelles… Le cirque est le seul art ou l’homme et l’animal se représentent presque à égalité. C’est peut-être le rapport le plus noble que l’homme ait jamais eu avec l’animal. Que les animaux accompagnent l’homme dans une création artistique est devenu assez exceptionnel aujourd’hui.» De même pour l’aco u stique. S’il e st acquis que dans un festival, un très grand pianiste puisse jouer en plein air, en dépit d’un taux d’hygrométrie mauvais pour son piano et d’une acoustique où se mêlent la brise, les oiseaux, et les bruits de feuille, il serait impensable que cela arrive dans un équipement urbain contemporain.